Le Coran | Traduction de Kasimirski

Une édition très cheap d'une traduction connue et reconnue. J'avais envie de le lire pour me faire ma propre idée, on entend tout et son contraire sur l'islam... je commence à comprendre pourquoi : il y a écrit, de fait, tout et son contraire, ce qui laisse à penser que son auteur n'était pas seul (ou pas seul dans sa tête, ce qui revient au même, en l'état). Une occasion supplémentaire pour trouver les extrémistes particulièrement imbéciles, comment peuvent-ils ne pas voir l'évidence? Il y a des appels à l'intolérance, c'est tout à fait vrai - ceux qui soutiennent que le Coran n'est qu'un livre d'amour et de libération ont quand même dû fumer quelques pages en passant - mais aussi un grand nombre de sourates très tolérantes et pacifistes sur lesquelles il est juste impossible de ne pas s'arrêter.

Après c'est une question de libre arbitre, qui a dit que telle était plus importante que telle autre ? Je me dis parfois que les religions monothéistes ne peuvent pas être intégralement cohérentes car leurs exigences seraient alors trop lourdes à porter. Toutes les sociétés ont leurs codes, règles, lois, mais j'imagine que les religions permettant le culte de dieux agressifs, stupides ou sadiques (autrement dit des soupapes) sont moins chiantes à respecter, offrent des occasions de souffler un peu, de s'abandonner à des pulsions somme toute naturelles. Tout en gardant une très grande logique dans leurs systèmes pourtant plus chaotiques, moins figés.

Récréations - Galaxies de l'imaginaire postmoderne | Vincenzo Susca, Claire Bardainne

Le bobo book du moment, paru aux éditions du CNRS et préfacé par Maffesoli (le grand maître de la sociologie de l'imaginaire en France). Avant tout, c'est un très beau livre au graphisme que je trouve personnellement magnifique (aquarelles, papier épais, couleurs, infographie...); les textes sont conformes à cette esthétique, à la fois dans leur forme - littéraire à souhait - et leur fond - les auteurs évoquent tout un tas de figures évanescentes, sensibles et poétiques pour expliquer les structures de l'imaginaire postmoderne, donc. Au-delà de ça... ça tourne en rond. Ça dit un peu toujours pareil sur n pages ; c'est un premier problème. Un double deuxième, propre à l'école maffesolienne, c'est le 'conceptualisme' du propos. Déjà on ne voit pas toujours à quoi ça renvoit ; et quand on le voit, ben soit c'est extrêmement limité = l'imaginaire postmoderne est réduit à franchement pas grand-chose par l'auteur..., soit ça manque purement et simplement de pertinence ("voui mais euh, ça fait 22 pages qu'on lit * telle théorie * comme si c'était de la grande innovation alors qu'y a 10, 100 ou 750 ans, c'était pareil hein...").

En conclusion : un très beau livre, agréable à lire, évocateur de belles images et de trucs pas complètement dénués de pertinence (tout de même) mais manque sérieusement de teneur intellectuelle. Oui parce qu'en soit, la 'teneur intellectuelle', vous allez me dire, on s'en branle après tout, au nom de quoi serait-elle nécessaire ? C'est-à-dire que le bouquin en lui-même se veut très intelligent. Les tournures de phrase sont alambiquées, efficaces et rhétorisées (au-delà de leur esthétique), on sent qu'il y a une volonté d'intelligence derrière tout ça, qu'il s'agit pas que de faire joli, de divertir, de créer. Ça fait indéniablement péteux. Il y a réellement de bonnes idées ; elles tiennent en 10 phrases maxi ; l'auteur a réussi à nous en pondre un bouquin. Bon. À lire si vous aimez les jolies choses écrites et que vous êtes un peu familier de cette façon de causer, si vous arrivez à comprendre vous y prendrez plutôt du plaisir ; ne vous attendez pas à apprendre des tas de trucs fascinants sur ledit 'imaginaire postmoderne'.

Essais d'ethnopsychiatrie générale | Georges Devereux

Là oui il y a des choses à apprendre. C'est à peu près l'inverse du précédent : extrêmement moche, extrêmement instructif. On y trouve des exemples concrets, de vraies idées, une systématisation efficace de la pensée et des réflexions qui ne laissent pas frustré, une écriture ordinaire mais pédagogique, et un véritable esprit critique à la fois très personnel (l'auteur s'implique réellement, en tant qu'humain qui a de la personnalité et une façon de penser bien particulière) et basé tant sur des faits scientifiques que sur l'expérience. Je manque de recul pour juger moi-même si tout ce que Devereux nous raconte est vrai ou pas, il me semble avoir souligné 2-3 points sur lesquels je n'étais pas d'accord, mais quoi qu'on en pense on est forcé de reconnaître qu'il y a derrière le livre beaucoup de travail, de réflexion, de vécu et de personnalité.

Une autre grande différence avec l'œuvre précitée (j'ai acheté les deux bouquins en même temps, c'est un peu pour ça que je les compare) est la variété des thèmes. Alors que le précédent se répète à l'envi, celui-ci aborde des problèmes très divers, sous des angles toujours différents, de sorte qu'on aborde chaque chapitre avec entrain (youpi), sachant qu'on va y trouver des trucs qui n'ont rien à voir. Ça ne tient pas qu'à la qualité du bouquin, il faut l'avouer, mais aussi et surtout à la forme : il s'agit d'articles publiés à des périodes assez éloignées, et compilés. De plus, c'est un livre qui se veut le premier d'une discipline nouvellement créée (à l'époque). À la décharge de Susca, on conviendra qu'il est difficile de se renouveler en ne traitant que d'un sujet, qui a déjà été traité des milliers de fois par ses contemporains... Devereux lançait le truc dans les années 50-60, il a peut-être moins eu besoin d'aller chercher des machins conceptuels à la mords-moi-le-nœud. Toujours est-il que ça ajoute au plaisir de la lecture.

Aspect négatif : ç'a vieilli, et certains concepts ne sont plus du tout d'actualité ; alors on peut s'offusquer de lire "populations primitives" ou se souvenir que ça se disait à l'époque en anthropologie, que la science évolue, et passer outre. Il n'empêche que je le recommande chaudement, c'est bien dense mais ça se lit très vite. Un minimum de connaissances basiques sur la psychologie ou l'anthropologie sont peut-être nécessaires, mais pô sûr, tout est bien logique et explicité je crois.

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