Seulement étrange

Nous vivons tous dans des mondes bien distincts les uns des autres. On peut s'en rendre compte tous les jours, avec un peu d'empathie. Le merveilleux de la chose est que, schizophrène profond ou yupie surinformatisé, nous nous croyons tous parfaitement en phase avec la vraie réalité - et qualifions allègrement Les Autres (avec plus ou moins de nuance et de tolérance)  de largués, inconscients, utopistes, égoïstes, ringards, fous, etc.

Ce petit paragraphe généraliste et prétentieux introduit une anecdote très ordinaire, vécue ce matin dans le bus. Et encore, "vécue", c'est un grand mot... bref. Je monte dans ledit bus puis, parmi tous les passagers, j'en remarque Une, improbable : long cheveux faux blond pisseux, épais et mal brushés aux racines bien noires, veste en jean rouge vif, haut moulant rose fluo, jean moulant, bottes marron brillantes à talons aiguilles par-dessus, sac léopard à strass, yeux très noirs trop maquillés. Rien là de surprenant, me direz-vous, des hystériques de 60 ans de ce style, on a tous l'occasion d'en croiser, et la notion de sexytude varie remarquablement d'une personne à l'autre, qui sommes-nous pour juger? etc.

Ce qui m'a interpelée cette fois-ci, c'est que la nana n'avait pas 18 ans en fait.

Je vais pas me la jouer choquée car "OMG les pouffes sont de plus en plus jeunes, etc, mauvaise éducation, pédophilie et cie". C'est un tout autre débat.

En fait je me demande juste à quoi peut bien ressembler le monde, social et mental, dans lequel vit cette demoiselle. Qu'une fille de 17 ans ait envie d'être sexuelle à ce point, passé un temps ça me dérangeait un peu, maintenant j'avoue que je m'en fous ; mais qu'une fille de 17 ans emploie rigoureusement le même pattern de féminité que des nanas de 50 ans, je trouve ça pour le moins chelou.

Je dis pas que c'est mal, stupide ou moche. Non, c'est pas la question. Je me demande juste : Mais d'où elle vient ? Peut-être bien qu'elle se pose aussi ce genre de questions sur "nous autres". Elle est un E.T. pour moi.  D'autant que le trait n'était pas suffisamment poussé, l'attitude pas assez affirmée pour suggérer une quelconque notion de second degré.

Je n'aime pas les fashion victims, c'est vrai, rien de méchant contre elles, c'est juste un fait, elles m'agacent et on n'a pas grand-chose en commun (car être une victime de la mode implique beaucoup, beaucoup d'autres trucs). Mais être une victime de la mode des années 80 quand on a 17 ans en 2009, c'est trop freak pour moi. Trop étrange pour mes faibles capacités de conceptualisation psychosociologique. J'arrive pas à m'imaginer ce qu'elle a dans la tête et dans sa vie - et pourtant, Dieu sait qu'elle doit avoir une existence tout aussi bien remplie que n'importe qui - je bug.

Qui est-ce ! ?